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Cette thèse fait une part importante à l’oeuvre de André Léo, à son engagement militant pour le droit des femmes et l’éducation laïque. Nous vous proposons quelques extraits
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UNIVERSITE PARIS-VIII – VINCENNES-SAINT-DENIS
UFR 4 HISTOIRE, LITTERATURE, SOCIETE
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« Être fille de son siècle. »
L’engagement politique des femmes dans
l’espace public en France et en Allemagne de
1848 à 1870
(Volume 1)
Thèse
pour obtenir le grade de
Docteur de l’Universite de Paris-VIII
Discipline : Histoire
présentée et soutenue publiquement
par
Alice Primi
le 26 octobre 2006
Sous la direction de
Michèle Riot-Sarcey,
Professeure d’histoire contemporaine,
Université Paris-VIII
Jury :
Christophe Charle, Professeur, histoire contemporaine, Université Paris-I
Ute Frevert, Professeure, histoire contemporaine, Université de Yale
Dominique Kalifa, Professeur, histoire contemporaine, Université Paris-I
Christine Planté, Professeure, littérature française, Université Lyon-II
Page 777 :
André Léo (née Léodile Bera)
18.08.1824 – 20.05.1900
MILIEU D’ORIGINE : naît à Lusignan (Vienne), dans une famille de notables.
FORMATION : pension ; autodidacte.
SITUATION FAMILIALE : épouse en décembre 1851 Grégoire Champseix, ancien collaborateur de
Pierre Leroux et Pauline Roland, exilé en Suisse depuis 1850. En 1853, naissance des jumeaux André
et Léo. Veuve en décembre 1863.
PROFESSION(S) : femme de lettres.
EVENEMENTS/RELATIONS : retour en France de la famille Champseix en 1861 ; installation à
Paris avec l’aide d’anciens saint-simoniens (Guéroult, Duveyrier) et de socialistes de diverses
tendances (Beluze, Reclus). Après son veuvage, André Léo est aidée par le « réseau » d’Elisa
Lemonnier, les familles de Barrau, Guépin, Reclus. Premier roman publié en 1863 ; en novembre
1864, André Léo est admise à la Société des Gens de Lettres. A partir de 1867, s’adonne au
journalisme. En juin 1868, rédige un manifeste « féministe » avec des femmes de l’AIT et rencontre
Benoît Malon, jeune dirigeant internationaliste de l’ouest parisien ; début d’une relation amicale puis
amoureuse. Participe aux premières réunions publiques sur le travail des femmes en juillet 1868 puis
préfère exprimer ses idées par des articles et dans Communisme et propriété (1868). En avril 1869, fait
publier la Revendication pour les droits civils des femmes, signée par des femmes démocrates, librespenseuses
et socialistes ; bénéficie du soutien des réseaux francs-maçons réformistes liés à Léon
Richer, Jean-Claude Colfavru… Correspond avec Jenny P. d’Héricourt. Dans La Femme et les Moeurs
(1869), elle plaide pour une démocratie anti-autoritaire et égalitaire.
JOURNAUX : aurait publié ses premiers textes dans La Revue Sociale de Pierre Leroux (1845-1848).
Ecrit principalement dans La Coopération (1867), Les Etats-Unis de l’Europe (1868), L’Opinion
nationale (1868), La Démocratie (1869), Le Siècle (1869-1870). Collabore brièvement à L’Egalité et
au Droit des Femmes. En mai (?) 1870, projet d’un journal qui propagerait les idées démocratiques
dans les campagnes, avec Paul Lacombe, Julie Toussaint, Elisée Reclus.
ASSOCIATIONS : un temps membre de la Ligue Internationale pour la Paix et la Liberté (grâce à
Charles Lemonnier ?). Proche de l’AIT mais critique l’autoritarisme de nombre de ses dirigeants.
Fonde en janvier 1869 la Ligue en faveur des droits des femmes (qui devient en septembre 1869 la
Société pour la revendication des droits de la femme).
AUTRES ACTES MILITANTS : de 1869 à août 1870, se consacre à la fondation d’une école primaire
démocratique de filles. Participe aux manifestations pacifistes de juillet 1870.
CONVICTIONS : veut concilier égalité et liberté, communisme et individualité. Dénonce la soif de
pouvoir, le comportement despotique des soi-disant démocrates et socialistes. Pacifiste, condamne la
violence. Espère une révolution sociale par l’éducation démocratique.
POSITIONS « FEMINISTES » : défend le droit des femmes à l’individualité, demande l’égalité
absolue des droits.
POSITIONS « POLITIQUES » : se dit socialiste démocrate.
Pages 832, 833, 834
André Léo, « Le Droit des Femmes », Almanach de la Coopération pour 1869, au Bureau du Journal La Réforme (ci-devant La Coopération), p. 131-140
« Dans le langage imagé par lequel l’esprit humain signale les rapports profonds du visible et
de l’invisible, on dit : les fruits de la science, le champ de l’intelligence, la fécondité de l’idée.
Ces comparaisons, qui sont bien des analogies, s’imposent à l’esprit avec plus d’évidence que
jamais en ce moment. Les hommes, autrefois si éloignés, si séparés les uns des autres, vivent
de plus en plus dans une même atmosphère morale, parcourue dans presque toute son étendue
par les mêmes courants ; et de même que sous telles influences favorables se développent
telles végétations sur la terre, ainsi telle question à son heure éclôt sur divers points à la fois,
grandit et s’impose en même temps à l’attention de tous les peuples dont le degré de
civilisation permet ce progrès.
Il en est ainsi de la question des femmes à l’heure où nous sommes. Avancée en Amérique
jusqu’au point d’avoir conquis le suffrage de deux assemblées législatives, soutenue en
Angleterre par les hommes les plus éminents, agitée en Allemagne, en Suisse, elle est à
l’ordre du jour en France dans la presse, dans les livres, dans les romans, elle est devenue
l’objet d’une des réunions populaires les plus suivies et d’une ligue qui grandira.
C’est que le principe sur lequel s’est basée et lentement se construit la société nouvelle porte
ses fruits comme ailleurs. Le droit, qui désormais découle de l’individu, confère à la femme,
comme à tout être humain, l’égalité.
Faute de comprendre ce principe, qui pourtant est la base de leurs réclamations, la seule assise
inébranlable de la démocratie, certains démocrates ne veulent voir dans la femme qu’une
mère, c’est-à-dire un agent social ; ils écartent pour la femme l’autonomie individuelle qu’ils
réclament pour eux-mêmes ; et supprimant d’un trait, en même temps que sa liberté, la plus
grande part de sa vie : la première jeunesse, l’âge mûr, la vieillesse, - ils font des années que
dure la tâche maternelle, le point unique de la destinée de cet être humain et le seul but de
toute son activité.
Une appréciation aussi exclusive serait fondée, que par là même serait condamnée la
subordination d’esprit et d’action où l’on prétend maintenir la femme. Car si la maternité est
chose si haute, si sacrée, qu’elle réclame le sacrifice le plus grand, le suprême sacrifice de la
liberté, de la vie entière, l’être chargé d’une telle fonction doit être le plus accompli de tous
les êtres. Ce n’est pas trop de toutes les lumières de l’intelligence, de toutes les ressources de
la science, de tous les dons de l’esprit, pour cette importante mission de créer à nouveau
l’humanité.
A moins de soutenir que la maternité soit d’autant plus noble et mieux remplie que l’être qui
l’exerce est plus inférieur, on ne saurait élever d’objection contre le développement
intellectuel de l’être maternel, de la femme.
Ce sont, avouons-le, des raisons de l’autre monde, du monde passé, que de s’en remettre pour
le souci le plus important, pour la science la plus complexe, celle de l’éducation, aux
sublimités de l’instinct, aux inspirations du coeur, et autres phrases auxquelles d’excellentes
créatures, nous le voulons bien, mais fort ineptes dans leur rôle, donnent journellement, aux
yeux de tous, le plus parfait démenti. C’est déclarer la connaissance inutile et même funeste,
fonder la vie sur une absurde contradiction, et supposer l’humanité composée, on ne saurait
comment, de deux races, l’une d’illuminés, l’autre de rhéteurs. Je sais bien que des poètes ont
fait ce joli tableau, et qu’il a fait pâmer d’aise une foule d’esprits sensibles… aux niaiseries
maniérées. Mais à l’heure où nous sommes – tout le monde le sent, je crois – c’est de sérieux
qu’il s’agit. La femme ne fût-elle que mère, par cela précisément doit donc être aussi instruite, aussi
réfléchie, aussi intelligente qu’il se peut. Or, à moins de décider que le gouvernement de ce
monde doit appartenir à la force brutale, quelle raison pourrait empêcher un être intelligent de
vouloir agir en ce qui le touche ?
– Et maintenant, quelle est la question sociale dans laquelle la femme ne soit pas intéressée ?
– Ah ! mais, et les immondices de la rue ! et les batailles de la voie publique !… - C’est vrai,
on pousse la tendresse et les petits soins jusqu’à vouloir conserver à la femme, de peur des
horions de je ne sais quelle mêlée, cette dépendance dont le dernier résultat, d’abaissement en
abaissement, est une dégradation que l’on répugne à nommer. De telles raisons, il faut le
reconnaître, ne sont que l’argumentation doucereusement hypocrite à l’aide de laquelle tous
les despotismes cherchent à retenir leur proie quand elle s’échappe. Rendons à Loyola ce qui
appartient à Loyola. Alléguer le respect de soi-même, l’amour, la délicatesse, pour retenir un
être dans la sujétion est une escobarderie dont tout homme qui prétend sérieusement au titre
de démocrate et soupçonne toutes les grandeurs et les vérités contenues dans la liberté, doit
faire promptement justice en lui-même.
Et puis la vie publique a-t-elle donc pour caractère obligé d’être brutale et honteuse ?
C’est précisément à l’action de la femme qu’elle devra d’être moralisée. Un des hommes les
plus distingués des Etats-Unis, Henry Ward Beecher, dégoûté comme beaucoup de ses
compatriotes, des brutalités souvent ignobles du poll (lieu du vote public), dit pour s’excuser
de n’y point prendre part : J’attends que le suffrage des femmes vienne faire du vote une
chose décente.
Nous voici au point le plus sensible de la question. Car c’est à l’égard des droits politiques,
particulièrement, que des hommes, très disposés d’ailleurs à rendre justice à la femme,
éprouvent une excessive répugnance. Ils veulent bien la femme éclairée, indépendante, mais
ils lui refusent tout moyen de réaliser sa volonté ; ils lui reconnaissent le droit d’agir en tout
ce qui la concerne mais ils lui interdisent le choix de ses agents. Pourquoi cette contradiction ?
Je gage qu’ils ne le savent point.
On a beau penser, vouloir penser, être sincère, l’habitude est chose si puissante sur notre
nature qu’il nous reste souvent, à tous plus ou moins, de ces susceptibilités épidermiques,
opposées parfois à nos croyances les plus sérieuses.
La convenance ? – en est-il de supérieure à celle d’exercer le droit ?
Le temps ? – les femmes en consacreront bien moins à remplir leurs devoirs électoraux
qu’elles n’en perdent à l’église, ou à ces commérages malsains dont se repaissent forcément
les esprits vides.
On essaiera vainement d’embrouiller par mille fantaisies psychologiques ou sentimentales,
une question si simple, qui se réduit à celle-ci : Etes-vous pour ou contre le droit ?
Ceux qui, dans l’intérêt prétendu de l’ordre et de la famille, veulent condamner à une sujétion
– abjecte et funeste comme toute sujétion l’est fatalement – la moitié de l’espèce humaine, se
rattachent, qu’ils le sachent ou non, à la tradition despotique qui, de Manou à Bonaparte, fit la
honte et le malheur de l’humanité. Selon le code de Manou, la femme n’est que le champ
auquel la semence est confiée. Objet d’utilité pure, créature essentiellement passive,
inférieure, elle obéit successivement à son père, à son mari, à son fils. Là, comme dans la
Bible, comme dans l’Eglise, déclarée cause de péché, c’est elle qui paye par le mal dont elle
est l’occasion, souvent la victime. Elle n’est pas la seule sacrifiée d’ailleurs à cette conception
étrange, douloureuse de l’ordre ancien, dont ce code est le monument le plus accentué. Du Soudra, qui porte tout le poids des autres castes, jusqu’au Brahmine, martyr de la prière et de
la loi, tout le devoir consiste dans la soumission et dans la souffrance.
C’est la vieille conception autoritaire qui fait de l’être humain le rouage d’un ordre préconçu,
au lieu de faire dériver cet ordre de la propre nature humaine. Cette conception se retrouve
partout, plus ou moins. Les républiques sont en général aristocratiques ; elles ont du moins
l’esclavage ; toujours le sacrifice de la liberté de certains est jugée nécessaire à l’ordre public,
sans parler des murs du gynécée. Le christianisme se greffa sur la philosophie hindoue. Il en
fut ainsi jusqu’à la Révolution, qui proclama le droit humain.
Mais la conception de l’ordre, dans l’esprit du soldat qui imprima sur nos codes le cachet de
sa brutalité, était au fond la même que celle de Manou. Cependant, au lendemain de la grande
émancipation civile, il ne pouvait oser contre le citoyen ce qu’il osa du moins contre la
femme ; il dut se borner à refaire le moule brisé de la caste noble, à reconstituer ducs et
majorats. Bonaparte fut l’esprit du vieux monde, qui, profitant des défaillances de l’esprit
nouveau, trop faible encore, tenta de l’étouffer au berceau. Il est temps d’y voir clair dans ce
monument bâtard qui fut son oeuvre et d’où viennent aujourd’hui ces confusions de principes,
où se fourvoient les meilleures intelligences et les plus ardentes volontés.
L’ordre – ceci est la religion nouvelle – l’ordre c’est la justice. Qu’aucun démocrate, digne de
ce titre, n’essaye de combiner ensemble le vieil ordre et l’ordre nouveau. Il ne saurait forger
une chaîne qui ne le blessât, tôt ou tard. – Quel rôle jouent les femmes en ce temps-ci ? Elles
réduisent à néant de nobles efforts, elles retardent l’avenir. Cela est juste. Les novateurs ont
manqué de foi ; ils ont gardé le despotisme dans la famille ; ils le récoltent dans l’Etat.
Naïfs qui visez à ces habiletés politiques, par lesquelles on prétend amalgamer les contraires
et faire de l’utile en dehors du vrai, ne voyez-vous pas que ce sont là choses monarchiques ?
Dans l’ordre ancien, où le Ciel lui-même gouverne par ses délégués, dont chaque clef de
voûte est une hiérarchie, où la splendeur du roi Soleil est faite de l’humilité de tous, toute la
vertu, d’une part, est obéissance, et, de l’autre, commandement. C’est pour l’ordre, à la plus
grande gloire de Dieu, que l’on tue, que l’on pille, que l’on viole ses serments ; car l’utile,
c’est naturellement l’injuste, puisque l’ordre c’est le privilège.
Dans le droit issu de l’être humain, au contraire, point de sujétion qui ne soit désordre ; point
d’injustice qui ne soit crime ; point de compression qui ne blesse tout le corps social. L’ordre
véritable est dans l’harmonie produite par le libre développement de tous. Il doute de la liberté
celui qui ne voit pas en elle la famille régénérée, et la maternité ennoblie. »
Pages 835, 836
Revendication rédigée par la Ligue en faveur du Droit des femmes, publiée par La Démocratie le 11 avril 1869 et Le Droit des Femmes, n°2 du samedi 18 avril 1869
REVENDICATION DES DROITS CIVILS REFUSES A UNE MOITIE DE LA NATION
Les vices de la situation faite à la femme par nos lois sont depuis longtemps signalés, et le
progrès qui s’est opéré sur ce point dans les esprits demande une réforme dans les faits.
C’est pourquoi nous faisons appel à l’opinion publique, espérant qu’un grand nombre de
citoyens, de femmes surtout, prendront avec nous l’initiative du mouvement nécessaire pour
rendre plus évidente la nécessité de cette réforme et pour l’obtenir.
La femme souffre de l’inégalité de ses droits dans la vie civile, de son asservissement dans le
mariage et de l’annulation de ses droits dans la famille.
Majeure au point de vue du Code pénal, elle est traitée en mineure par le Code civil.
Devant l’impôt, les amendes, la prison, l’échafaud, la femme est déclarée l’égale de l’homme.
Si elle est responsable de ses actes quand il s’agit de la punition des délits, comment ne le
serait-elle pas comme mère, comme propriétaire, comme membre de la société ? Comment
n’aurait-elle que des devoirs et point de droits ?
S’il s’agit du premier avantage que la Société doit à ses membres, de l’éducation, on voit,
dans l’instruction primaire, les écoles de filles sacrifiées à celles de garçons, ne passer qu’en
second lieu ; l’instruction secondaire pour les filles est encore à peine ébauchée et pour elles
enfin, l’enseignement supérieur n’existe pas.
La loi civile reconnaît à chaque individu la propriété de ses biens. Cependant la femme mariée
ne peut administrer sa fortune, et souvent elle se voit ruinée avec ses enfants, sans avoir pu
l’empêcher, ni même le prévoir. (Art. 1421 et 1549) Elle ne peut ni acheter ni vendre (art. 217
et 1449), ni contracter (art. 1123), ni accepter une donation (art. 776, 905, 1123, 217), ni
exercer un état, ni intenter une action en justice (art 215) sans l’autorisation de son mari (Code
de commerce, art.4)
Son témoignage est écarté dans les actes solennels de la vie civile, comme dépourvu
d’autorité suffisante. (Art. 37). Mère, ses droits sont primés, ou même complètement annulés
par ceux du père, qui seul a le droit légal de diriger l’éducation de l’enfant, de le faire
incarcérer, de déterminer sa carrière, de le marier, sans le consentement de la mère et contre
sa volonté. (Art. 148, 373, 375 et 376)
Hors le mariage, la femme porte seule le poids d’une faute. La recherche de la paternité étant
interdite (art 340), l’impunité de l’homme, en pareil cas, est une des causes les plus actives
qui entretiennent dans la société la démoralisation et la misère.
Cette situation faite à la femme par nos lois, entraîne pareil déni de justice dans les moeurs et
dans les usages. C’est ainsi que le travail féminin, systématiquement infériorisé, est toujours,
à valeur égale, beaucoup moins rétribué que celui de l’homme. Cette inégalité consacre, par le
fait, la dépendance absolue de la femme, et l’entraîne à des conditions avilissantes pour sa
personne, dérisoires quant au salaire, et qui ont, dans ce dernier cas, par l’effet de la
concurrence, l’influence la plus funeste sur le travail même de l’ouvrier.
C’est un devoir sacré que de réclamer au nom de la justice pour tout être lésé dans ses droits ;
mais qui pourrait être assez aveugle pour ne pas voir que l’intérêt des hommes, l’intérêt social
tout entier est identique sur ce point à celui des femmes ? Le sort d’une moitié de l’humanité
peut-il être indifférent à l’autre ?
L’intelligence et la moralité des femmes souffrent de l’asservissement où elles sont tenues ;
l’influence que la nature, la force des choses leur attribuent malgré tout peut-elle donc n’être
pas funeste ? Maîtresses, quoi qu’on fasse, de l’éducation première, arbitres inévitables d’une
grande part de la destinée de l’homme, elles font, malgré tout, et abaissent trop souvent les
moeurs et l’histoire.
Il n’appartient donc pas seulement à elles de revendiquer les droits qui leur manquent et les
moyens de développement qui leur sont refusés.
C’est le devoir et l’intérêt de tous ceux qui jugent l’instruction préférable à l’ignorance, la
liberté à l’oppression, et la justice au hasard.
Mme Cotta. Mme Verdure. Mlle Maria Verdure. Mlle Bourgeois. Mme Leval. Mlle Cécile
Leval. Mme Louise Lacombe. Mme Rebierre. Mme Bedouche. Mme Adèle Demars. Mlle
Caroline Demars. Mme V. de Guerrero. Mme Léon Couturier. Mlle Maxime Breuil. Mme
Clara Ranvier. Mme Fanny Tronville. Mme Ranvier. Mme Noémie Reclus. Mme André Léo.
Mlle Maria Deraismes. Mme veuve Féresse-Deraismes. Mme Albert. Mme Jarry. Mme
Adélaïde Colet. Mme Joséphine Lambert. Mme Vanoverbeke. Mme Auguste Martin. Mme S.
Blandy. Mme Caroline de Barrau. Mme de Vivens. Mme S. Rihkers. Mme Charlotte David.
Mme Jeanne Jensey. Mme Nelly Lieutier. Mlle E. Bosquet. Mme N. Martin. Mme Léon
Richer. Mlle Louise Michel.
Page 840, 841
André Léo, « L’école primaire démocratique », Le Droit des Femmes, n°14, 10 juillet 1869 (Extraits)
« La société pour la revendication des droits civils de la femme est maintenant constituée. Elle
a ses statuts, de nombreux adhérents, et s’occupe d’élaborer le plan de l’école primaire laïque,
– laïque non-seulement de nom mais d’esprit, - qu’elle espère ouvrir en octobre prochain.
Cette école ne sera pas seulement une protestation contre les aberrations de l’enseignement
actuel donné aux femmes : elle doit, dans la pensée de ses fondateurs, réaliser le plus possible
le plan de l’école nouvelle, c’est-à-dire d’un enseignement fondé, non plus sur les traditions
monarchiques et religieuses, mais sur les idées de notre temps. L’esprit du passé est
autoritaire. Tout procède d’en haut, et la société se modèle, ou s’efforce de se modeler sur la
révélation ; presque toutes les législations sortent des temples. Quand l’homme, bien loin de
chercher sa loi en lui-même, la recevait à genoux, l’enfant pouvait-il être considéré autrement
que comme une argile à pétrir selon le modèle idéal ? Aussi, jusqu’à l’ère révolutionnaire, ne
vient-il à l’idée d’aucun éducateur de consulter et la nature en général et la nature particulière
de son élève. (…)
La révolution nous a donné d’autres bases. Elle a reconnu les droits invincibles de la nature.
Des besoins légitimes de l’individu, elle a fait la mesure de la justice sociale ; et à la
révélation, elle a substitué la connaissance.
Tout cela a été proclamé depuis près d’un siècle. Oui, mais proclamé seulement. Et tout le
désordre et tout le malaise actuels viennent de la lutte permanente, éclatante ou sourde, de
l’idée nouvelle et du fait ancien.
Le fait ancien ne se contente pas même de croire : il règne. La liberté de conscience est écrite
dans la loi ; mais presque partout, surtout en province, non seulement faveurs, places,
honneurs, ne vont qu’aux gens bien pensants, mais les libres penseurs sont exposés, sinon
plus à la corde et au bûcher, du moins à toutes sortes d’avanies. L’égalité est reconnue
toujours par écrit mais il n’en est tenu aucun compte. Chacun est responsable de ses actes,
sauf l’autorité. Tous doivent respecter la loi, sauf le pouvoir, qui trop souvent ne l’observe
guère. La liberté a le sort de l’égalité. La fraternité attend pour pouvoir exister des temps
meilleurs. Et de tout ce grand élan d’il y a quatre-vingts ans vers la liberté, la justice, la
raison, il ne nous reste que despotisme, iniquité, superstition et misère. La révolution, qui
semblait devoir être si féconde, n’a point d’enfants. La raison en est simple : on les lui enlève
à mesure qu’ils naissent, pour les élever dans la maison de ses ennemis.
De là ce phénomène étrange du vaincu attaché aux flancs du vainqueur et se nourrissant de sa
substance, de la mort étouffant la vie. L’enseignement de la jeunesse est resté le même. Il est
toujours autoritaire, toujours légendaire, toujours compressif. Ce sont toujours les premières
divagations intellectuelles de l’humanité qui servent à fausser avant son développement la
jeune raison des enfants du dix-neuvième siècle ; ce sont toujours les mêmes crimes, les
mêmes violences, les mêmes corruptions qu’on fait épeler à leur innocence. Et tandis que le
passé continue ainsi d’engendrer intellectuellement les générations nouvelles, l’avenir se
contente de bâtir de mots ses espérances. On ne fonde rien de cette manière-là.
« Le temps amènera le triomphe des bons principes » disent les démocrates patients. Et ceux
qui ne le sont pas espèrent tout, à l’occasion, de la violence. Mais notre histoire
révolutionnaire même devrait nous apprendre qu’on ne fonde pas par la violence. Un coup de
main, si sauvage soit-il, ne donne l’empire à qui que ce soit, si cet empire avant tout a pour
appui ou pour instrument l’ignorance. On ne fonde que dans l’esprit et la volonté ; et le temps
d’autre part, n’agit point, dans les choses de l’esprit, en dehors de l’action humaine.
Le noeud de toutes nos difficultés, et la fin de toutes nos luttes, c’est un enseignement nouveau
pour la société nouvelle. Ceux qui, pénétrés de l’amour du droit, protestent contre l’injustice
des lois à l’égard de la femme, devraient comprendre cette vérité. L’oeuvre qu’ils ont choisie,
est l’école, et, pour commencer naturellement, l’école primaire. – Mais une école faite pour
préparer des citoyennes et non des sujettes ; pour développer la raison, non pour l’égarer ;
pour aider l’initiative de l’enfant au lieu de la combattre ; une école où la nature sera écoutée,
la liberté respectée, dont l’égalité sera le dogme, et où la fraternité n’aura pas besoin d’être
prêchée parce qu’elle sera devenue facile et naturelle.
De pareilles pratiques sont si éloignées de l’ordre de choses actuel qu’elles sembleront
chimériques à beaucoup d’esprits. Qu’on veuille bien réfléchir cependant qu’elles sont
possibles, ou que la démocratie n’est qu’un rêve. Si la liberté humaine est le droit et la vérité,
assurément elle a ses voies, qui ne peuvent être celles du despotisme. La verge, le pensum,
l’étude forcée, font quelque fois des révoltés, mais bien plus souvent des esclaves, jamais des
êtres libres dans le sens profond et vrai.
Il existe chez l’enfant deux stimulants naturels, fort supérieurs à la compression (qui n’en est
pas un, mais tout le contraire), ce sont la curiosité et l’activité. Ces deux stimulants que
l’éducation actuelle prend à tâche de décourager, de détruire, l’éducation nouvelle en peut, en
doit faire l’amour de la science et du travail.
Le plan de l’école est à l’étude. Que tous ceux qui éprouvent le besoin d’agir selon leurs
croyances et de fonder enfin la démocratie sur un terrain d’où on ne la chassera pas une fois
établie, nous aident de leurs avis et de leurs cotisations. » Il ne s’agit pas seulement d’une
oeuvre utile entre beaucoup d’autres ; il s’agit de poser la première pierre de l’édifice vers la
construction duquel auraient dû porter les premiers efforts de tous ceux qui détestent la
superstition et le despotisme, qui adorent la vérité et la liberté. ANDRÉ LÉO »
Page 876 ( index )
Index des noms propres
Consulter également le tableau et les fiches biographiques en annexe.
Achard, Caroline.…. .....................526, 854
Adam, Edmond.….................................321
Adam, Juliette............voir Lamber, Juliette
Agoult, Marie d’..............voir Stern, Daniel
Albert, M..…. ........................................602
Albrecht, Karl.…...........................534, 535
Allart de Méritens, Hortense.….325, 374,
417, 765
Althaus, Theodor.…......................165, 779
Amail, Léopold.….................................270
André de Saint-Gieles, Antonine.…. ......44
André Léo (Léodile Champseix).….....252,
333, 340, 348, 349, 372, 374, 390, 393,
401, 402, 403, 404, 414, 415, 437, 444,
449, 450, 452, 476, 477, 481, 486, 491,
492, 493, 502, 509, 510, 511, 512, 513,
514, 515, 516, 536, 537, 538, 539, 540,
542, 543, 545, 547, 550, 555, 561, 565,
578, 579, 587, 596, 599, 601, 602, 606,
607, 608, 611, 614, 615, 616, 620, 621,
642, 643, 644, 646, 654, 661, 663, 671,
676, 686, 695, 705, 714, 717, 720, 723,
724, 726, 728, 763, 764, 767, 769, 775,
777, 785, 832, 836, 840, 841, 851, 852,
853, 854, 855, 859, 860, 861, 863, 865,
868, 870, 872
Anneke, Fritz.…......................................65
Anneke, Mathilde.….65, 70, 152, 170,
174, 219, 250, 251, 762, 763
Ansel, Mme.…...................... 541, 854, 864
Anthony, Susan.…........................ 170, 775
Arnaud, Angélique.….55, 78, 203, 212,
261, 262, 263, 264, 265, 266, 268, 277,
289, 290, 293, 294, 295, 296, 297, 298,
299, 303, 304, 305, 306, 307, 308, 309,
311, 312, 313, 314, 320, 321, 322, 323,
324, 325, 407, 474, 476, 493, 639, 642,
644, 646, 648, 649, 652, 654, 661, 663,
684, 695, 705, 716, 726, 767, 769, 774,
784, 812, 854, 867
Arnim, Bettina von.…. ......................... 245
Arnould, Arthur.….642, 646, 652, 667,
669, 675, 683, 684, 728, 854
Arson, Gonzague.…. ............................ 290
Assolant, Alfred.…............................... 642
Aston, Louise.….59, 61, 65, 66, 70, 97, 98,
99, 103, 105, 124, 130, 168, 169, 170, 187,
213, 215, 220, 222, 223, 224, 248, 251,
330, 634, 714, 717, 762, 763
Auclert, Hubertine.…. .................. 197, 198
Audebert, Louise.…...................... 563, 661
Audiganne, M..…. ................................ 496
Audouard, Olympe.….335, 336, 338, 339,
393, 394, 395, 396, 400, 406, 407, 408,
409, 410, 411, 412, 413, 430, 451, 452,
453, 475, 518, 594, 716, 718, 720, 727,
764, 767, 770, 854
Aury, Anaïs.…...................................... 586