ROGER PICARD
Et bien oui ! En ce début de l’année 2011, Roger Picard, historien dans l’âme et dans l’esprit, s’est glissé discrètement dans les pages d’histoire qu’il aimait lire et remplir. Il fait partie à présent du livre de plus en plus épais du passé. La dure loi naturelle l’a arraché à sa famille et a éteint définitivement ce moteur infatigable de la recherche historique.
Et nous voilà déjà à parler de lui à l’imparfait, alors que sa présence est encore si vive dans nos oreilles qu’il emplissait de ses anecdotes, dans nos yeux à qui il donnait à lire ses ouvrages et ses lettres, dans notre être, sensible à l’intérêt qu’il portait aux autres, ses semblables.
Ce temps de l’imparfait lui convenait puisqu’il s’était fait une passion de fouiller dans cet insondable patrimoine humain, matérialisé par des archives, par des témoignages, par des photos, par des lieux ... Mais le mot imparfait en tant qu’adjectif, il le combattait de toutes ses forces de travail. Inlassablement il cherchait les portes qui lui ouvriraient un regard neuf sur un personnage, il dévorait les livres qui lui livreraient la pensée profonde d’une héroïne, il traquait les détails qui pouvaient éclairer un événement, il disséquait les statistiques, les plans, les témoignages, pour découvrir la Vérité.
Historien certes, il l’était dans toute sa rigueur et presque à temps plein durant sa retraite, mais il restait un locuteur, un savant locuteur. Je ne fais pas seulement allusion à sa faconde intarissable qui prolongeait les entretiens, je veux souligner surtout sa vaste et minutieuse culture, pas de celle qui s’étale mais celle qui veut confronter et qui veut convaincre. Je veux rappeler sans tenter de la citer, l’abondance de sa bibliographie, et l’éclectisme des thèmes de ses publications. Il est devenu à la fois la référence incontournable en ce qui concerne l’histoire de la Deuxième Guerre Mondiale dans la Vienne, et le connaisseur de la biographie des femmes qui ont marqué l’histoire du Poitou et de la Touraine, et notamment André Léo.
Ces pans de l’Histoire, ces thèmes de réflexion, il les a révélés certes par des publications et dans un fonds d’archives considérable, mais il les a aussi beaucoup offerts de sa voix un peu chantante, poussée par des coups de menton persuasifs, lors d’explications en privé, de conférences à maints publics, d’ interviews aux journalistes, ou d’enregistremens à la radio ou sur DVD.
Il préparait avec minutie ses interventions, et pour ne pas dépasser son temps de parole, il lisait ses conférences. Mais comme je lui avais fait remarquer impertinemment que cette façon de faire le brimait, il nous a gratifiés à Saint-Secondin, à l’occasion de l’inauguration de la Ligne de Démarcation, d’une causerie sans notes, mais structurée, documentée, et au total palpitante.
Le goût d’instruire les jeunes, et de susciter la curiosité pour l’homme, il l’a eu très tôt puisqu’il débute sa carrière d’instituteur à Saint-Secondin précisément, une petite localité du canton de Gençay, pas éloignée d’Usson-du-Poitou où il a pris épouse. Mais c’est l’Histoire qui le passionne et il va l’enseigner durant 30 ans, notamment au Collège du Jardin des Plantes, à Poitiers. Parallèlement, il accomplit avec son ami Gaston Racault, dans le cadre du Comité d’Histoire de la Deuxième Guerre Mondiale, une recherche approfondie et même exhaustive de tous les faits qui ont constitué le quotidien des habitants de la Vienne entre 1939 et 1945.
Pour le bonheur de notre Association André Léo, répondant sans doute à une demande, il s’est orienté dans la biographie des Femmes célèbres, à commencer par celles du Poitou. C’est ainsi qu’il nous a apporté, en complément des travaux de Fernanda Gastaldello et de Claude Latta, une base considérable de données, sur les années de formation au sein de sa famille, de Léodile Béra qui signera ses ouvrages sous le nom de André Léo. Membre de l’Association, il s’est glissé très facilement dans le rôle de Conseiller, s’attachant à nouer des liens avec l’Université et encourageant ceux qui oeuvrent pour la promotion de cette grande combattante, en leur fixant des grandes directions et de grands principes de recherches.
Mais fatigué par une carrière bien remplie, il s’était limité dans un rôle de contradicteur avisé pour Alain Dalôtel, l’auteur de « La Junon de la Commune » et dans celui de collègue de recherches auprès de Christian Richard qui poursuit son grand oeuvre sur la Seconde Guerre Mondiale.
Une Plume s’est arrêtée de recomposer le passé, une Voix a cessé de l’exposer, mais un Souffle continuera de guider ses nouveaux explorateurs vers de grandes découvertes.